by Youths Ahead!
Published on: Mar 26, 2008
Topic:
Type: Opinions

Elle s’appelait Chantal. Un prénom comme un autre, mais porté par un destin singulier. Elle se savait condamnée par une maladie terrible, incurable, insupportable pour elle et pour ses proches. Elle avait demandée aux autorités françaises le droit de mettre fin à ses souffrances, de partir librement et dignement. Un appel de détresse qui se verra opposer une fin de non-recevoir. Quelques jours seulement après ce refus, Chantal s’éteignait, comme Vincent avant elle, dans son appartement loin des flashs et des cameras. Sa mort aura suscitée un profond émoi dans toute la France, remettant la question de l’euthanasie sur la table des politiques et divisant une opinion publique partagée entre ses convictions morales et son respect de la dignité d’autrui. Pourtant, au-delà de toute l’émotion qui entoure et accompagne chaque fois les cas d’euthanasie, émerge une problématique plus complexe sur le « droit de mourir », qui est celle de se demander jusqu’où sommes-nous prêts à aller dans la remise en question de nos propres valeurs ?

L’euthanasie est la réponse finale à une situation particulièrement difficile dans laquelle se trouve une personne atteinte d’une maladie extrêmement grave, et dont les espoirs de guérison sont presque nuls. Cette personne est devenue dépendante et en est arrivée à un état insupportable de déchéance physique ou morale. Elle semble ne plus avoir une qualité de vie honorable. Ainsi, l’euthanasie est un processus qui permet à cette personne de satisfaire son droit de mourir afin de préserver un minimum de dignité, mais aussi de donner à son entourage la possibilité de l’aider dans cette phase délicate de son existence.

Il est important de prendre avec tact ce concept de « droit de mourir » parce que comme l’on souligné certains penseurs et la plupart des législations nationales, c’est une illusion et une vraie fausse idée de se croire maître de sa propre vie et de sa propre mort. Il est cependant vrai que tout homme a le droit de « mourir dans la dignité », ce qui revient à dire que chacun a le droit de vivre « dignement » sa mort. D’où la mission de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD) française, qui a permis la vulgarisation des soins palliatifs pour l’accompagnement des malades en phase terminale. Sa preocuppation reste de voir s’améliorer les conditions de la prise en charge de la fin de vie.
L’émotion qui naît de la surmédiatisation des cas comme Chantal Sébire et de Vincent Humbert, de la récupération qui en est faite par les partisans de l’euthanasie, ne permet pas de discuter plus sereinement de cette question majeure. Une actualité chassant une autre, le débat s’enflamme aussi rapidement qu’il s’éteint laissant peu de place à une discussion de fond. Pourtant, il est clair que ce n’est pas au XXIe siècle qu’on meurt dans la dignité.

On peut mourir dans la dignité sans nécessairement se donner la mort ou la réclamer d’une autre personne, même si, il est vrai que l’on la souhaite au fond de soi et qu’on l’attend comme une délivrance. Nous pouvons ainsi aider autrui à mourir dans la dignité sans le tuer. Car quoi qu’on dise l’euthanasie reste du point de vu moral, un suicide quand il est infligé par le malade lui-même, et un homicide quand il est donné par quelqu’un d’autre. Les partisans des soins palliatifs selon l’article intéressant publié par la Clinique des soins palliatifs et supportifs de l’Institut Jules Bordet (Université libre de Bruxelles), « s’accordent à reconnaître que, bien que minoritaires, il est des mourants qui ne désirent pas être accompagnés jusqu’au bout de leur chemin ».

Il existe des souffrances que l’on ne peut apaiser, des angoisses, des douleurs physiques, des dégradations qui sont péniblement supportables et qui rendent bien des situations intolérables. L’euthanasie permettrait donc de stopper l’acharnement thérapeutique et de donner l’opportunité au malade de partir non pas la tête haute mais le cœur soulagé de mettre fin à son état et d’épargner à ses proches l’enfer d’une agonie longue et affligeante. En somme, de partir humainement, dans la dignité.
Mais la vraie question ici est celle de savoir qu’est-ce que la dignité ? Où commence t-elle et où finit-elle ? De nos jours, la notion de dignité semble se réduire, avec la recrudescence du culte de la jeunesse, à la simple qualité de vie (le confort, l’apparence physique et mentale), alors qu’elle est avant tout une dimension morale et spirituelle, que l’on soit croyant ou non. Ainsi, la dignité est la possibilité pour une personne de poser des actes libres. C’est là tout le sens que lui accordent les déclarations universelles des droits de l’homme et des libertés. Cependant, l’homme est digne parce qu’il est « homme », c’est-à-dire faisant preuve de morale, et non parce qu’il est capable d’agir librement. La dignité suprême de l’homme, d’autres diront sa « grandeur », c’est « sa capacité d’amour malgré la souffrance et les atteintes à sa dignité extérieure », que peuvent être le handicap, la vieillesse, la dépendance ou la maladie. C’est cette dignité là, « inhérente à la nature humaine » qui fonde la dignité humaine. Ne pas prendre en compte cet aspect des choses, c’est « prendre un chemin dangereux qui peut mener très loin ».

L’euthanasie est une frontière qui ne saurait être franchie au nom de la dignité humaine et de la liberté. Si la loi admet demain que chacun peut demander à mourir en fonction de son appréciation de sa propre dignité, elle reconnaîtra par ricochet que la dignité humaine est une valeur relative. Dès lors, la porte sera ouverte à toutes les dérives.
Même encadrée par une législation « appropriée », la pratique de l’euthanasie ne garantie pas qu’elle sera parfaitement contrôlable. Certains répondront que la loi fixera elle-même la limite à ne pas franchir et laissera au juge un pouvoir discrétionnaire important afin de statuer au cas par cas. Mais alors comment établir cette limite ? Qui aura le droit à cette fin « digne » et qui se verra « recaler » ou devra se contenter d’attendre « sagement » sa « bonne et vieille » mort ? Sur quelles bases se fondera ce pouvoir discrétionnaire du juge ? N’est-ce pas là faire porter au judiciaire une responsabilité trop lourde pour lui, car il ne s’agira pas de donner un avis sur d’éventuels crimes, mais sur des demandes de fin de vie ?

Si nous souhaitons véritablement accompagner des malades dans leur fin de vie, nous devons mettre l’accent sur le « droit de mourir dans l’amour » c’est-à-dire « à ne pas abandonné » et ne pas être abandonné de tous durant tout ce processus. La famille, la chaleur humaine étant dans ces moments là d’un soutien aussi crucial que le sont les soins palliatifs.

L’euthanasie est l’une des interrogations morales et sociétales de ce siècle, au-delà même du débat sur la dignité humaine, car paradoxalement c’est au nom de cette même dignité que l’on veut abolir universellement la peine de mort, il est important de comprendre les impacts réels d’une pareille décision sur le présent et le futur.

Ludewic Mac Kwin De Davy


« return.