by ilyes
Published on: Jun 10, 2007
Topic:
Type: Short Stories

Voici une pièce théâtrale que j'ai écrite afin de corriger le point de vue souvent erroné que la plupart de la plèbe défend quand il s'agit de poésie.

Titre de la pièce : « La vraie poésie! »‎
Personnages de la pièce :‎

L’inconnu : personnage qui entend parler de ‎la poésie mais ne la perçoit pas à sa juste valeur.‎

Le poète : personnage qui illustre le véritable ‎poète.‎




‎ C’était un lundi matin du mois de décembre, ‎journée hivernale qui promettait beaucoup…‎
Il pleuvait à verse et la neige tombait à foison.‎
Le jeune poète se réveilla en sursaut mais il était ‎de bonne humeur, et s’apprêta vers la station de ‎bus en vue d’entamer la première journée de la ‎semaine qui s’annonçait à grands pas.‎
‎ ‎
‎ Après son voyage comme à l’accoutumée ‎dans le bus, il se protégea contre le vent glacial ‎et se dirigea à pas fermes vers l’école.‎

‎ Heureusement, il était à l’heure sur le banc de ‎l’école et il retroussa ses manches pour passer ‎un examen en littérature française.‎

‎ Le jeune poète était un étudiant assidu et ‎laborieux. Aussi, fût-il assez satisfait de sa ‎prestation à sa sortie.‎

‎ C’est ainsi qu’il croisa un étudiant curieux qui ‎reconnut qu’il était un poète, il avait entendu ‎parler de ses poèmes auparavant, mais ‎vraisemblablement il méconnaissait la poésie; il ‎ne savait même pas de quoi il s’agit en réalité!‎

‎ Par excès de curiosité, cet inconnu prit ‎soudainement la parole et commença à débiter ‎machinalement des propos confus…‎

L’inconnu : Qu’est-ce que c’est que la poésie si ‎ce n’est donc que l’art de discourir en faisant des ‎vers dans le but de plaire ou de déplaire à son ‎auditoire, selon qu’il s’agit d’un poème à ‎tendance pessimiste ou optimiste et ceci se ‎détermine en fonction de l’humeur du poète lui-‎même et de ses principes et idéaux.‎

Le poète : La poésie, mon cher ami, est tout autre ‎chose sauf qu’elle est perçue ainsi par la ‎majorité. Et en réalité, la plupart des gens ‎méconnaissent la juste valeur de la poésie qui est ‎l’un des arts les plus distingués. En partie, vous ‎aviez raison quand vous avez dit que la poésie se ‎définit comme étant l’art de discourir, mais à ‎vrai dire; la poésie est un art du langage, visant à ‎exprimer quelque chose -si vous voulez- par le ‎rythme(surtout le vers), l’harmonie et l’image. ‎On distingue plusieurs types de poésie. Comme ‎titre d’exemple, on a la poésie lyrique en rapport ‎avec Lamartine par exemple, et épique comme ‎‎« La Chanson de Roland ». On parle également ‎de poésie symboliste. Dans ce cas, le mot ‎‎« poésie » désigne une manière propre à un ‎poète, à une école, de pratiquer cet art. Et il me ‎semble que vous avez déjà entendu parler ‎d’anthologie qui veut dire un ensemble de ‎morceaux ou de poèmes choisis, ce qui est ‎différent de recueil de poésie qui signifie un ‎ouvrage réunissant des poèmes. Toutefois, dans ‎notre langage familier, on entend souvent dire ‎par exemple que cette personne-là manque de ‎poésie. Dans ce cas, le contexte est différent. Les ‎gens veulent ainsi dire que ladite personne ‎n’éprouve pas de l’émotion poétique même s’il ‎pourrait y avoir d’autres interprétations. Il me ‎paraît que vous avez l’air maintenant de bien ‎comprendre grosso modo de quoi il s’agit et ‎j’espère que vous vous êtes constitué une idée ‎correcte de « la poésie » qui est un terme ‎polysémique. N’est-ce pas?‎
L’inconnu : Ben effectivement j’ai assimilé en ‎quelque sorte, me semble-t-il, le sens littéraire ‎du mot « poésie » ainsi que sa signification ‎courante.‎

Le poète : C’est excellent! Je suis tout au moins ‎fier que vous ayez compris que ce mot ‎particulier change de sens selon l’usage qu’on en ‎fait, c’est-à-dire dans quelle acception il a été ‎employé. Maintenant, ce qu’il faut retenir c’est ‎la portée d’un poème. Je voudrais bien savoir ce ‎que tu entends par cela, ne serait-ce que pour ‎avoir une idée de la conception qu’ont les gens ‎de l’intérêt « la poésie » ?‎

L’inconnu : Comme j’ai dit en premier, je pense ‎‎-à mes yeux- que la poésie ressemble en quelque ‎sorte à la rhétorique et que le poète veut ainsi ‎susciter soit les pleurs ou les rires de ses lecteurs ‎ou de ses auditeurs.‎

Le poète : Vraiment, ce que vous dites est assez ‎drôle, pour ne pas dire comique. J’imagine que ‎vous êtes en train de confondre les choses. Vous ‎traitez la poésie comme un caméléon, qui est un ‎petit reptile d’Afrique à quatre pattes, de ‎couleur gris verdâtre et qui a la faculté de ‎changer de couleur selon l’endroit où il se trouve. ‎Et ceci ne va pas de même avec la poésie. C’est ‎encore une fois tout autre chose. C’est comme si ‎vous me parliez de deux autres arts distincts, je ‎veux dire par là la tragédie et la comédie, et ‎vous les regroupez dans la poésie. La poésie ‎dont je parle qui est selon moi la véritable poésie ‎est tout à fait différente de ce que vous êtes en ‎train de me conter…‎

L’inconnu : Mais c’est ce que la quasi-totalité de ‎la population pense de la poésie!!!‎

Le poète : Écoute là, je reconnais que c’est bien ‎d’avoir un esprit critique mais tente pas de faire ‎une généralisation hâtive. Ce dont tu parles n’est ‎en vérité qu’un cas particulier parce que vous ‎devez réaliser quand même qu’il existe « un ‎cercle de poètes éclairés ». C’est mon expression ‎pour dire que, par opposition aux faux préjugés ‎de la majorité, il existe également une kyrielle ‎de poètes qui ont réalisé la véritable portée de la ‎poésie, comme j’ai dit tantôt.‎

L’inconnu : interrompant soudainement le poète en ‎pleine discussion, j’aimerais savoir donc la vraie ‎poésie comme vous dites et sa portée selon vous?‎

Le poète : Bien sûr que oui! Donc et pour ‎conclure, la poésie dont je parle est celle qui se ‎veut édifiante et dont la portée est noble et ‎singulière. Je m’explique : la véritable poésie sur ‎laquelle j’ai assez insisté est l’art de composer ‎des poèmes à la fois intéressants et qui visent un ‎certain objectif. Pour vous éclaircir les choses, ‎les poèmes que je préconise sont ceux qui visent ‎une cause noble comme j’ai dit tantôt, par ‎exemple des poèmes qui essayent de susciter ‎l’intérêt des étudiants pour la scolarité et pour ‎l’apprentissage et non pas pour les jeux ou « les ‎niaiseries » (et excuse-moi le terme). En gros, ‎c’est à cela que je voulais aboutir en fin de ‎compte. Ce qui prime, ce sont des poèmes qui ‎portent leurs fruits (si vous voulez) et qui ‎retiennent l’attention, bien sûr, grâce à la ‎stylistique du poème. En somme, un poème n’est ‎passionnant et intéressant ou considéré comme ‎tel, que s’il est excellent dans le forme mais ‎aussi et surtout dans le fond, c’est-à-dire le ‎contenu qui doit lui aussi âtre adéquat et ‎convenable. Somme toute, j’espère que vous ‎corrigerez votre conception de la poésie et que ‎dorénavant vous serez conscient et ‎consciencieux en ce qui concerne la poésie.‎

L’inconnu : Mais avant de se quitter. La poésie ‎ne me tente pas vraiment! Peux-tu m’indiquer ‎genre des poésies ressemblant à la musique.‎

Le poète : Je te dirais de lire Jacques Prévert ou ‎Émile Nelligan, notre fabuleux poète québécois.‎

L’inconnu :Pas vraiment, à base de mes savoirs, ‎je connais à peu près le train des choses; et sans ‎ambages, je gagerais presque que la poésie est ‎tellement variée et diversifiée qu’on devient tout ‎mêlé et mélangé si l’on se mêle à cette affaire-là.‎

Le poète : Je pourrais peut-être me tromper; mais ‎enfin sur de tels sujets qui fon ma spécialité, ‎l’expérience m’a pu donner quelques lumières.‎

L’inconnu : Quoi? Mes paroles ne sont donc ‎qu’illusion, tu veux dire, est-ce ça?‎

Le poète : Non, t’sais, la poésie est si variée ‎comme tu as dit tantôt sauf que bien au contraire ‎de tes propos, ça vaut la peine de s’y mêler si ça ‎fait notre affaire; je veux dire si ça correspond à ‎nos attentes et désirs.‎

L’inconnu : T’sais, moé, je m’intéresse à ‎plusieurs sortes de musique, jazz, rock’n roll, etc ‎sauf que dans la poésie je te dirais plutôt le style ‎romantique, genre des poèmes faisant allusion ‎à ;la dolce vita, ou un truc du genre.‎

Le poète : Dans ce cas, mon chum, tu ferais ‎mieux idéalement de lire les écrits super bons de ‎Chateaubriand et de sa génération qui, à mes ‎yeux, correspondent parfaitement à tes attentes, ‎parce qu’ils traitent, tu verras, de la littérature ‎romantique de manière générale. Je te ‎recommande aussi de lire Victor Hugo, lui aussi, ‎c’est un écrivain e bun poète de renommée. En ‎un mot, la poésie est un art qui pourrait ‎intéresser tout le monde, parce qu’il est très ‎varié, et il correspond a vrai dire a tous les ‎goûts.‎

L’inconnu : Parfait ! C’est sûr que je vais ‎m’intéresser à la poésie! Maintenant, à bien y ‎réfléchir, ça me tente de filer pour lire un poème ‎romantique! Je suis convaincu que ça fait mon ‎affaire!‎

Le poète :Mais avant de se quitter, j’aimerais ça ‎te montrer de quoi a l’air le romantisme musical ‎cette fois puisque tu t’intéresse aussi a la ‎musique. Le romantisme musical est apparu ‎après le romantisme littéraire. Ce courant ‎exprime les sentiments personnels de l’artiste et ‎l’amour de la nature. Ce qui est assez spécial a ‎mon avis. Ça pourrait être fabuleux de s’y ‎intéresser.‎

L’inconnu : Ce que tu viens de me dure m’a ‎surpris! Tu peux-tu me définir ce qu’est la ‎musique de façon « savante »?‎

Le poète : Ok, je m’exécute! La musique est par ‎définition l’art de combiner des sons d’après des ‎règles variables selon les lieux et les époques ‎
‎ Pour te simplifier les choses, il va sans dire ‎qu’il existe toutes sortes de musique. On ‎distingue la musique de jazz, par exemple ou ‎encore la musique classique ou celle moderne. ‎Mais il existe également la musique de variété ‎qui rassemble tous les types de musique ‎précités. ‎

L’inconnu : Ok! La conversation avec vous me ‎tente! Peux-tu me fournir encore des infos ‎supplémentaires sur ce sujet?‎

Le poète : Bien sûr que oui! Ça me fait ‎extrêmement plaisir! En gros, la poésie c’est ‎l’art d’évoquer, de suggérer les sensations, les ‎impressions, les émotions pour un emploi ‎particulier de la langue, par l’union intense des ‎sons, des rythmes, des harmonies, des images. ‎La poésie est un art du langage visant à suggérer ‎et à faire connaître quelque chose par le rythme, ‎l'harmonie et l'image. Dans le sens le plus ‎courant du terme, la poésie est la plus haute ‎expression de l'écriture et de la parole, ‎puisqu'elle attache autant d'importance à la ‎musique des mots (leur son) qu'à leur sens. Bien ‎antérieure à toutes les formes littéraires ‎communes, c'est d'abord par la voie orale qu'elle ‎s'est transmise, véhiculant de la bouche à ‎l'oreille, et d'un cœur à l'autre, les questions et ‎les tentatives de réponses des Anciens sur les ‎mystères du Monde, comme en témoignent ‎nombre des textes sacrés qui nous sont parvenus, ‎tous de nature éminemment poétique dans la ‎mesure où, par le biais d'allégories (entre ‎autres), ils transmettent une conception ‎particulière de notre relation au monde, en ‎utilisant pour cela toutes les ressources du ‎langage. Quant à la musique, je te conterai à ‎propos une anecdote : « Qu'est-ce que la ‎musique ? » demandait-on un jour à un ‎compositeur, « si on me le demande, je ne sais ‎pas » répondait-il avec une certaine ironie. ‎Pourtant, pour beaucoup d'entre nous, le concept ‎est facile à délimiter : On peut dire que la ‎musique est une succession de sons organisés, ‎par un compositeur ou un instrumentiste ‎improvisateur. Tous les sons, qu'ils proviennent ‎d'instruments de musique ou d'ailleurs, ont a ‎priori vocation à devenir musique. Depuis les ‎plus profondes racines de son histoire, la ‎musique s'entend comme une pratique culturelle, ‎pouvant ou non posséder une dimension ‎artistique, mais qui consiste en une combinaison ‎délibérée de sons et de silences. Même dans le ‎cas des musiques dites aléatoires derniers ‎avatars de sa déconstruction / reconstruction, la ‎musique s'inspire toujours d'un « matériau ‎sonore » pouvant regrouper l’ensemble des ‎données perceptibles, pour construire ce « ‎matériau musical », représentation propre au ‎compositeur ou qu'il confie à la technique. ‎L’audition qui est le plus adapté de nos sens ‎pour la connaissance des sentiments est, a ‎contrario, le moins apte à la connaissance ‎objective. La musique est donc une prise de ‎possession d’éléments formels qui appartiennent ‎à la fois au conscient, à l’inconscient et au ‎spirituel, pouvant se décliner dans l'ensemble ‎des affects culturels. De cette diversité de ‎pratiques, on retiendra surtout que la musique ne ‎peut avoir une seule définition précise et ‎regroupant tous les types de musique, tous les ‎genres musicaux, mais que l'on doit, suivant ‎l'angle par lequel on veut l'aborder, susciter ‎quelques définitions qui, sans s'opposer, fondent, ‎sur tous les continents, une « histoire de la ‎musique » en perpétuelle évolution, tant dans le ‎domaine de la musique savante que des ‎musiques traditionnelles ou des musiques ‎populaires. Parlons maintenant de la chanson : ‎c’est un genre musical de courte durée ‎‎(généralement entre trois et cinq minutes) qui ‎met en avant la voix humaine. Le chant peut être ‎accompagné par des instruments de musique ‎d’un seul instrument (accordéon, guitare, piano, ‎etc.) jusqu'à un orchestre tout entier. Quand il ‎n'y a pas d'instruments, on parle plutôt de « ‎chant a capella ». Le mot est plutôt employé ‎pour des chansons modernes (Chanson à texte, ‎chanson rock, chanson de variété etc.), ou des ‎airs traditionnels (issus du folklore). En ce qui ‎concerne la musique classique, on utilise plutôt ‎le mot « mélodie ». Comme tout art, la musique ‎est une création s'appuyant sur certaines ‎techniques pour communiquer les ambitions ‎esthétiques du compositeur (voir les deux sens ‎du mot art). La composition musicale désigne ‎alors l'étape qui précède directement l'existence ‎de l'œuvre musicale ; elle s’apparente à une ‎conduite inconsciente mais apprise. Elle reste ‎tributaire des schémas que nous lèguent notre ‎culture et notre histoire, mémoire de l'écoute, ‎mémoire de l'apprentissage des structures ‎cognitives qui nous sont familiers. Mais la ‎composition atteint l'art de la création surtout ‎quand elle dépasse l'assimilation, cherche la ‎confrontation, s'oppose à la loi pour créer l'inouï.‎

L’inconnu : Qu’en est-il maintenant de la poésie ‎québécoise contemporaine?‎

Le poète : La poésie québécoise contemporaine a ‎commencé à se manifester d'une manière ‎décisive à partir des années soixante. Certes, ‎quelques recueils importants avaient été publiés ‎dans les années cinquante, notamment le ‎Tombeau des rois d'Anne Hébert et les Armes ‎blanches de Roland Giguère, mais l'activité ‎poétique restait somme toute assez marginale et ‎ne s'inscrivait pas encore vraiment dans une ‎continuité et dans une durée. L'essor de la poésie ‎au début des années soixante coïncide avec celui ‎de la Révolution tranquille. Certains ‎commentateurs ont pu dire que ce sont les poètes ‎qui ont donné l'impulsion initiale au mouvement ‎collectif: tout en étant plausible, cette thèse reste ‎difficile à prouver dans les faits. Une chose est ‎sûre cependant, c'est que l'enthousiasme général ‎de l'époque a favorisé l'émergence d'un grand ‎nombre d'oeuvres poétiques.‎
Quant aux jeunes, ils raffolent des sons ‎nouveaux, innovateurs, qu'ils ne retrouvent pas ‎suffisamment dans la musique francophone, si ‎ce n'est dans le hip hop. En réalité, la poésie ‎québécoise est une immense entreprise ‎d'incarnation et de libération. Des origines du ‎pays jusqu'à nos jours, écrivains et poètes ont ‎mené une lutte éminemment libératrice et donné ‎aux Québécoises et Québécois les moyens de ‎mieux se connaître et se comprendre. Grosso ‎modo, la poésie est un art mais c'est aussi le ‎miroir d'une société.‎

L’inconnu : Vos propos sont très pertinents et ‎j’ai maintenant connu la poésie à sa juste valeur!‎

Le poète : La poésie est cette branche de la ‎littérature qui, comme une vigne en hiver, garde ‎toute sa vitalité malgré une grande, trop grande ‎peut-être, discrétion. Elle reste là, à portée de ‎notre main, prête à nous faire don de sa ‎puissance, de son murmure, de sa mémoire, de ‎ses mots susceptibles de devenir nôtres pour peu ‎que l'on soit ouvert et disponible à les accueillir! ‎Après avoir rapidement tenté de cerner ce que ‎nous entendons par «poésie», il faut également ‎rappeler que celle-ci est nécessaire pour que ‎l'éducation de tout être humain soit la plus ‎complète et la plus harmonieuse possible. La ‎poésie est avant tout un langage, un langage ‎certainement très différent du langage quotidien. ‎Elle est le langage des sens qui choisissent, au ‎contraire des autres formes d'arts, de s'exprimer ‎avec des mots. Car même si tout peut devenir ‎objet de poésie, un coucher de soleil comme un ‎tremblement de terre, un chagrin sans fin comme ‎une explosion de rires, un canon destructeur ‎comme une poignée de main, tant qu'il n'y a pas ‎de mots, ce qui peut être «poétique» n'est pas ‎‎«poésie». La poésie résulte donc de la ‎manipulation particulière et différente de mots, ‎de mots moins fréquents comme de mots très ‎courants. Il n'y a pas de mots catalogués comme ‎ayant une valeur poétique et d'autres n'étant ‎bêtement destinés qu'à un usage uniquement ‎prosaïque. Ce qui distingue la poésie, c'est ‎‎«qu'elle exprime les concepts de manière ‎oblique» (Jean, 1989). Les mots, par l'analogie, ‎par les images qu'ils font naître, par la ‎contradiction apparente qu'ils soulignent, par le ‎choc qu'ils provoquent et par ce qu'ils ‎sous­entendent, entraînent l'esprit du lecteur ou ‎de l'auditeur à créer des liens et à «lire» ‎beaucoup plus que ce qui est réellement écrit. ‎Les mots vivent alors et résonnent en lui de ‎façon dynamique et personnelle. «Le langage ‎poétique est toujours à réinventer, il n'existe pas, ‎ne vit pas, s'il n'est pas réveillé, réanimé, par ‎l'imagination du lecteur ou de l'auditeur» selon ‎un poète notoire. Un autre poète affirme de son ‎côté que : «La poésie de celui qui écrit est ‎comme le négatif de l'opération poétique et le ‎positif se trouve dans le lecteur. Ce n'est que ‎quand l'oeuvre a pris toutes ses valeurs dans la ‎sensibilité du lecteur, qu'elle peut être ‎considérée comme réalisée, telle l'image ‎photographique fixée sur l'épreuve» ‎

En ce sens, la poésie est une des formes d'arts ‎les plus favorables pour stimuler l'imagination, à ‎la fois parce qu'elle aborde autant des contenus ‎réels qu'imaginaires, mais surtout parce que sa ‎constitution même invite à une lecture à ‎plusieurs niveaux. Cette importante part de ‎création qui appartient au lecteur de poésie ‎contribue bien évidemment à la diversité des ‎interprétations, et la résonance que les ‎métaphores trouveront en lui favorisera ‎justement cette lecture à plusieurs niveaux. Si ‎l'on ajoute à cela les structures syntaxiques, qui ‎répondent à d'autres règles que celles qui ‎régissent la prose, et l'emploi inusité des mots ‎eux-mêmes, qui par leurs associations nous ‎propulsent vers une polysémie des plus parlantes, ‎nous arrivons à une autre caractéristique de la ‎poésie que Michel Tournier qualifiait d'épaisseur ‎glauque, une sorte d'univers aux sens multiples, ‎le terrain par excellence de la pensée divergente. ‎La liberté qu'elle offre en faisant sauter les ‎règles habituelles du langage courant, comme ‎d'ailleurs les contraintes qu'elle s'impose, sont ‎autant de pistes d'envol pour l'imagination et ‎pour d'innombrables rêveries. ‎

La poésie est aussi un langage qui est conçu ‎pour être «retenu : c'est le trésor des instants ‎confiés à la mémoire qui les a capturés dans le ‎réseau des mots» d’après un autre poète des plus ‎célèbres. En réalité, la poésie est un langage de ‎paroles difficiles à oublier, et tout, dans ce qui ‎caractérise le langage poétique, concourt à le ‎rendre inoubliable : songeons à la rime qui ‎associe les mots de fin de vers et leur donne une ‎valeur nouvelle, aux sonorités qui s'inscrivent ‎facilement dans l'oreille, au rythme qui n'attend ‎qu'à être répété et bien sûr aux figures de style ‎qui marquent autant l'imagination que la ‎mémoire, elle-même prête à les accueillir pour ‎longtemps. C'est pour cette raison que l'on peut ‎dire que la poésie nourrit, alimente celles et ceux ‎qui la lisent ou l'entendent. Ses mots et ses ‎images désormais leur appartiendront et feront ‎partie de leurs points de références, de leur ‎bagage d'allusions auxquelles ils pourront faire ‎référence leur vie durant. ‎

La poésie est également un langage qui touche, ‎qui fait vibrer la corde sensible de la lectrice ou ‎du lecteur, mais comme le souligne si justement ‎Georges Jean, elle fait beaucoup plus que ‎traduire des sentiments et des émotions, elle ‎donnerait à voir en rendant visible le non-dit, la ‎sensualité la plus profonde de l'être. Ce qui ‎amène cet auteur à dénoncer la tendance que l'on ‎a trop souvent à maintenir les enfants dans une ‎poésie mièvre qui ne leur permettrait ‎malheureusement pas d'atteindre la profondeur ‎des songes de l'homme, et pourtant, ils ‎l'apprécieraient tellement... Lire de la poésie ‎c'est plus important encore que ce que dit ‎Danièle Sallenave à propos de la lecture en ‎général: ‎

‎« Lire est une puissance qui nous associe au ‎grand mouvement dont sont animés les livres; ‎lire, c'est retrouver les secrètes veines du monde, ‎les tourments invisibles, les grandeurs dont le ‎livre est chargé. Ce n'est donc pas seulement ‎comprendre un livre, et lui donner vie: lire, c'est ‎s'accorder à la splendeur du monde, ou, comme ‎dit Péguy, participer à son accroissement, à ce ‎qu'il nomme un renforcement d'être. »‎

Si la lecture atteint ce niveau, que dire de la ‎poésie qui est un langage encore plus puissant ‎puisque allant à l'essentiel. ‎



L’inconnu : À propos, je voudrais juste savoir ‎l’intérêt de la poésie cette fois pour les jeunes et ‎ados?‎

Le poète : D’accord. Si l'on accepte que la poésie ‎s'apparente à une certaine forme de spiritualité ‎par le lien qu'elle offre avec la pensée dans son ‎expression la plus pure et la plus forte, on admet ‎qu'elle donne aux jeunes une occasion de ‎profondeur, de gravité et d'intériorité. Alors ‎qu'en cette fin de siècle, dans notre culture ‎occidentale, les occasions de distractions, de ‎dispersions et de fuites font légion, il est ‎rassurant de savoir qu'il y a à notre portée une ‎mine inépuisable de mots et d'images qui disent ‎exactement ce qui est nécessaire pour qu'on ‎puisse se construire, se découvrir et grandir, une ‎parole vraie, accessible et sans détour ‎puisqu'allant à l'essentiel. ‎

Les enfants, tout comme les adultes, sont des ‎êtres en construction qui cherchent à se ‎connaître, à se comprendre et qui, par­dessus ‎tout, cherchent le sens des choses. Les maintenir ‎dans un monde facile, superficiel et déconnecté ‎de ce qu'ils recherchent profondément ne ‎favorise pas le succès de leur quête. Nous ‎voulons les protéger, les mettre à l'abri des ‎difficultés, de ce qui n'est pas beau à voir, mais ‎nous ne leur rendons pas service puisque nous ‎les privons justement de ce contact qui déjà les ‎préparerait à affronter la vie avec tout ce qu'elle ‎comporte de beauté, de violence, de travail, de ‎souffrances et de joie. Une attitude de respect, ‎de compréhension et de confiance envers eux se ‎traduirait par une attitude qui favoriserait ‎l'établissement d'un véritable contact avec les ‎ressources de la littérature et en particulier la ‎poésie. ‎

Les enfants d'aujourd'hui, grands ‎consommateurs comme on les connaît, gavés par ‎les médias et souvent interpellés par une réalité ‎par moment insoutenable, ont probablement plus ‎que jamais besoin de poésie, de cette poésie non ‎censurée qui possède une fonction de ‎sublimation, qui éveille la sensualité, qui ajoute ‎une valeur esthétique et qui permet par le biais ‎des mots de créer des liens uniques et ‎profondément intimes avec toute chose, d'où un ‎nouvel accès au sens. Et, n'est­ce pas justement ‎cela qui manque si tragiquement à bon nombre ‎de jeunes de nos sociétés actuelles? Le sens des ‎choses et de la vie leur échappe parfois à un tel ‎point qu'ils tentent de le retrouver en poussant ‎avec un désespoir mal dissimulé leurs activités ‎dans des extrémités exagérées. Leur appui peut ‎facilement s'apparenter à un douloureux «spleen ‎contemporain». Il ne faudrait pas conclure à ce ‎propos que la poésie est la réponse à tous les ‎maux, ni que tous les jeunes souffrent d'un tel ‎vide intérieur. La contribution de la poésie n'est ‎toutefois pas à négliger en ce qu'elle permet à ‎l'être humain de trouver des occasions de ‎créations variées et de puiser un certain ‎réconfort, une reconnaissance, un regard plus ‎intense et des mots qui inscrivent en soi «une ‎parole inoubliable qui ne l'est que par sa force ‎intérieure, par le souffle qui l'anime». ‎

Les mots et les images gravés lorsque les enfants ‎sont jeunes resteront en eux comme s'ils avaient ‎été inscrits avec de l'encre de Chine, et le ‎chemin ainsi tracé facilitera l'entrée de tous les ‎autres; car ce que l'on a connu petit ouvre déjà la ‎porte à tout ce qui est semblable, alors que ce à ‎quoi on n'a pas eu l'occasion d'être sensibilisé ‎pendant l'enfance reste d'accès plus difficile par ‎la suite. ‎

De plus, il importe de mentionner que les ‎enfants se sentent vite à l'aise avec le langage ‎poétique, lequel se distingue de la langue ‎courante qui, elle, implique de leur part d'arides ‎apprentissages scolaires. Cet autre langage leur ‎rappelle celui qui, il n'y a pas si longtemps, était ‎alors le leur : un langage de sons, de rythmes et ‎de jeux qui n'avait pas encore l'obligation d'être ‎fonctionnel. La poésie leur permet donc de ‎renouer avec ce langage premier dont ils se ‎sentent malgré eux de plus en plus éloignés. Il ‎est d'ailleurs toujours fascinant de constater que ‎les enfants habituellement en difficulté en classe ‎se sentent rassurés et retrouve leur aisance lors ‎des activités de poésie. Ils peuvent tout à coup ‎faire des liens avec un langage qui leur ‎appartient, qu'ils possèdent déjà en eux, et en ‎ramener des bribes à l'extérieur sans que ce soit ‎mal interprété! Et si les enfants sont mis très tôt ‎en contact avec le langage poétique et la ‎comptine, le bassin de mots et d'images dans ‎lequel ils pourront puiser sera d'autant plus riche ‎et, par le fait même, plus facile à enrichir. Il ‎s'agit là d'un extraordinaire phénomène d'aller ‎retour qui, dans chaque sens, ajoute à l'autre! ‎

Donc, si l'on reconnaît à la poésie ces pouvoirs ‎fantastiques et ce rôle fondamental dans la ‎construction d'une personnalité équilibrée et ‎pleine de ressources car créative, il devient ‎difficile de ne pas se précipiter en classe pour ‎l'introduire immédiatement auprès des enfants. ‎Nous allons maintenant voir une façon de ‎procéder. ‎

L’inconnu : Je voudrais maintenant avoir si ‎possible une réponse à la question suivante : ‎‎« La poésie doit­elle toujours rimer? »‎

Le poète : Très bonne question. Je remarque que ‎tu commences à te faire des idées de « la ‎poésie », je te félicite quand même pour ta ‎question judicieuse. Donc ma réponse serait la ‎suivante : En effet, il est surprenant de constater ‎à quel point la rime est pour les jeunes et les ‎ados souvent synonyme de poésie. Il suffit pour ‎eux qu'un texte rime pour qu'il s'agisse ‎indiscutablement d'un texte poétique, et à ce ‎propos, il ne sont pas très différents de bien des ‎adultes qui partagent la même opinion. Il n'est ‎pas question de contredire complètement ces ‎jeunes-là, mais plutôt de leur donner l'occasion ‎de nuancer leur jugement. Autant la rime est ‎présente et importante, autant on ne peut plus ‎dire qu'elle soit totalement incontournable et ‎surtout pas au prix du sens, comme on le voit ‎malheureusement si souvent à l'école dans les ‎poèmes que les jeunes écrivent et où, pour ‎préserver la rime, ils finissent par dire des ‎banalités à l'eau de rose. Cette contrainte, si ‎bénéfique que peut être la rime, devient plus ‎souvent qu'autrement pour des scripteures et ‎scripteurs débutants une barrière d'expression. ‎D’où la tendance moderne de la poésie qui est ‎venu libérer les poèmes de cette contrainte ‎parfois suffocante.‎

L’inconnu : Vous êtes vraiment un poète génial ! ‎Vous m’avez fortement convaincu de ‎l’importance considérable de la poésie!‎

Le poète : Pour conclure, je me sentirais mal si je ‎ne vous soumet pas la très belle définition de la ‎poésie qu'a écrite Jean Hugues Malineau. La ‎voici :‎

‎« Je dirais que, pour moi, la poésie, c'est toute ‎une attitude face à la vie. C'est ouvrir les yeux, ‎ouvrir les oreilles, ouvrir la bouche, ouvrir le nez, ‎ouvrir tout mon corps (...). On croit toujours que ‎le poète a la tête dans les nuages. Je dis, en sens ‎inverse, que le poète c'est celui qui a le plus ‎absolument les pieds sur terre. »‎

L’inconnu : À partir de tous vos propos ‎extrêmement intéressants et passionnants à la ‎fois, j’ai constaté que la poésie est d’une valeur ‎inestimable non seulement pour les poètes mais ‎aussi pour nous les ados, les jeunes et même les ‎enfants. ‎

Le poète : Je suis tellement satisfait de vous voir ‎rejoindre les paroles que j’ai dites en premier. Si ‎on reconnaît en plus son inestimable apport à ‎l'épanouissement d'une personnalité équilibrée, ‎mature et imaginative, comment dans de telles ‎conditions pourrions­nous nous en passer et en ‎priver les jeunes qui en ont fortement besoin? ‎Les enseignantes et les enseignants ont donc un ‎rôle de guide à jouer envers leurs élèves afin de ‎les initier à la poésie, de leur en faire goûter, ‎découvrir puis écrire, car le premier contact ‎passe d'abord par l'écoute d'une voix, la lecture ‎personnelle et l'écriture venant plus tard. ‎

L'école reste peut-être un des derniers bastions ‎où les enfants pourront encore entendre ce ‎langage indispensable et le faire leur. Elle est un ‎lieu d'acquisition de connaissances, mais aussi ‎de culture où il devrait être possible d'apprendre ‎à se construire. La poésie y a donc une place de ‎choix! ‎

L’inconnu : Je vous remercie énormément de ‎votre souci pour la poésie en particulier et pour ‎le savoir et la culture en général. Merci encore ‎une fois pour m’avoir sensibilisé et avoir pris le ‎temps de m’expliquer la juste valeur de la poésie. ‎Merci énormément! Au plaisir de vous ‎rencontrer!‎

Le poète : Moi aussi, j’espère avoir touché ma ‎cible et réussi à corriger la fausse conception ‎que vous aviez sur la poésie qui est art de portée ‎noble. En tout cas, bon courage dans vos études ‎et bonne fin de journée! À la prochaine!‎

‎ Pièce théâtrale élaborée par : ‎
Ilyes El Ouarzadi


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